Pièce unique

En parallèle de son activité de bijouterie-joaillerie artisanale, Lucie poursuit son travail de recherche entamé durant ses études. Certains projets avaient été laissé à l’état de croquis et de dessins.
Un projet associatif d’exposition collective a relancé la fabrication concrète de l’un de ses projets : un plastron. Ce second départ prend en compte la maturation de ses idées et de l’affinage de l’esthétique de Lucie ; forte de son expérience dans l’atelier, jalonnée de rencontres.

Sa démarche s’appuie sur la notion de préciosité. Son regard sur la matière est un peu en décalage avec ce que le grand public attend de la bijouterie-joaillerie. Par exemple, elle aime travailler avec l’aspect mat des métaux, s’appuyer sur leur nature plutôt que sur leurs textures et proposer des pièces dont la simplicité fait oublier la technicité. Des lignes simples, des formes pures, faire émerger des angles, en pensant le bijou dans sa globalité et non sous le seul angle du regard. Avant tout, le bijoux se porte et se ressent.
De plus, cette démarche met en exergue ce que Lucie défend dans ses series limitées vendues à son atelier-boutique : une forme d’émotion, une rencontre, et un ressenti physique.

Avant même la fabrication du plastron, qui représente plus de 300 heures de travail à l’atelier, s’est posé la question de sa présentation. La première idée était de le suspendre dans l’espace. Ayant une sensibilité certaine pour la danse contemporaine, et étant particulièrement intéressée par la transversalité possible entre toutes les manières de créer, la réflexion de Lucie a fait passer ce bijou d’un objet exposé à un objet porté.
L’idée a été dès l’origine de trouver la danseuse qui porterait ce bijou afin que cette pièce soit conçue et fabriquée sur-mesure et pour le mouvement.
La rencontre avec la chorégraphe Luce Bron et Vanessa Wüthrich, danseuse (compagnie 3EME LOGE, Pau) a permis d’envisager la création de cette pièce en intégrant la dimension du mouvement d’un corps. La chorégraphie est alors outil de présentation et se met au service du bijou, elle est pensée et mise en oeuvre pour le faire vivre.

En plus de l’esthétique, c’est aussi la dimension de performance qui donne au plastron son rang de bijou contemporain.Cette manière de présenter devient une contrainte et a un impact sur a fabrication et les techniques employées, puisque les notions de sur-mesure, de souplesse, de confort, de poids, d’équilibre et de résilience sont entrés en jeu.

Porté sur sa peau nue, son contact ne devait pas blesser ou gêner la danseuse. Ainsi, Lucie a apporté un soin tout particulier autant au recto, visible, qu’au verso, pour en faire une seconde peau. Son poids et sa rigidité ne devaient pas être des freins à la créativité de la chorégraphe et au confort de la danseuse.

Chaque élément composant la pièce a été conçu pour remplir une fonction précise et répondre aux contraintes mécaniques et ergonomiques.
Toutes les parties en argent 925/1000 ont été façonnées à la main, issues de lingots coulés dans l’atelier de Lucie. Elle a laminé, étiré et mis en forme chaque bandes, fils ou anneaux.
L’argent est souvent confondu avec d’autres métaux, c’est sa mention verbale qui le rend précieux, mais aussi le temps passé sur sa transformation, du coulage du lingot à son assemblage.
Le plastique provient de bouteilles, qui ont été méticuleusement découpées en bandelettes, gardées ainsi ou chauffées pour les déformer, les faire briller. C’est un matériau dont les quantités produites sont gargantuesques, n’est pas précieux et pourtant, il a toute sa place dans ce projet, par ses qualités techniques et sa transparence.Le plastique le devient parce qu’il a été choisi et transformé (découpé, chauffé, agencé).

L’utilisation de la perle permet un renvoi à une image classique du précieux, empreint de modernité grâce aux formes irrégulières sélectionnées. La perle est historiquement considérée comme précieuse, par son aspect et sa rareté originelle.

Tous les matériaux sélectionnés ont un point commun : la brillance.
Chacun permet d’ajouter une nuance et de créer du contraste dans la palette de couleur du plastron, dans un camaïeu de blanc : le reflet miroir du métal, la transparence blanche du plastique, le crème des perles.

Le plastron est composé :
– d’une structure en fil d’argent de 5mm d’épaisseur sert de cadre, dont chaque élément est relié par des articulations à anneaux ;
– d’un tissage de bandes de métal d’une épaisseur de 0,1mm et de moins de 5mm de large, et de bandelettes de plastique transparent.

Les bretelles sur les épaules sont faites :
– d’un assemblage d’anneaux en argent formant une côte de mailles apporte une grande flexibilité et permet une mobilité. Ces anneaux créent un lien logique entre le plastron et les bretelles, en s’adaptant aux courbes de chaque élément. Le choix d’utiliser de la côte de mailles crée du lien entre la joaillerie traditionnelle et la contemporanéité de la pièce ;
– de bandelettes de plastique chauffé, imbriquées en une accumulation de courbes et de noeuds organiques, serrées tel une chaîne, à la fois compacte, souple et ressort ;
– d’une chaîne en argents aux anneaux irréguliers (ronds, ovales, aux diamètres et profils divers), qui descend jusqu’au milieu du dos. En plus de leur rôle de liens, elles agissent en contre-poids pour éviter que le plastron ne glisse vers l’avant.

Les bretelles costales sont quant à elles réalisées avec :
– des bandes de métal émergeant de la partie centrale,
– d’un système de fermoir original composé d’un anneau de bout et d’une ondulation ressort.

Les bretelles dorsales sont un assemblage de perles d’eau douce irrégulières, montées sur fil de soie blanc.

Le fermoir, indépendant, se compose d’une structure en fer à cheval. Le fil rond supporte une structure composée de bandes d’argent fusionnée au chalumeau. Ce sont les mêmes bandes que celles qui ont servies au tissage de l’avant. La fusion donne un nouvel aspect à l’argent, qui a été poussé jusqu’à la quasi fonte. Quatre crochets permettent d’attacher les différents liens en un points central au milieu du dos.

Les deux bretelles en côte de maille, plastique et chaînes ainsi que les bretelles dorsales s’y rejoignent.

De nombreux aller-retour de la danseuse à l’atelier ont permis d’ajuster les différentes fermetures, de tester son confort et son maintien.

C’est ainsi que le plastron est à la fois bien maintenu contre sa peau, tout en ayant la souplesse nécessaire pour supporter les tensions et les torsions, et lui permettre de bouger avec un maximum d’amplitude.

Par ses recherches, Lucie pose la question du précieux.
Avec ce projet, elle propose sa propre vision en y adjoignant d’autres aspects et en créant une pièce qui n’est qu’une succession de lien : lien physique entre les éléments qui composent le plastron, lien entre les techniques traditionnelles et les inventions, lien humain créé grâce à sa sensibilité pour la danse et la mise en scène.
Le rapport entre l’objet et le corps de la danseuse, et le temps passé ensemble sont essentiels dans sa démarche.

Ce qui est précieux, en dehors de la matière et du travail accompli, c’est la rencontre et le partage. En premier lieu avec la chorégraphe et la danseuse puis avec Benjamin Souyris, vidéaste. En effet, la performance a été filmée et le bijou et le film sont présentés ensemble.Le plastron cristallise ces instants, il n’est plus un objet muséal, il est un objet chéri, un point commun.
C’est aussi ce qui le rend précieux, délicat et atypique.

Cette pièce est la première étape d’une recherche sur la question du précieux et de la pièce monumentale dans l’univers du bijou contemporain.
La poursuite de la collaboration avec Luce Bron et Vanessa Wüthrich va faire naître d’autres pièces, d’autres lieux d’expositions, d’autres recherches autour du précieux et du port du bijou.
 


Plastron, argent 925/1000, plastique recyclé

Crédit vidéo
Benjamin Souyris

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